Loi n°99.02 du 29 janvier 1999 portant Révision de la Constitution (Journal officiel n°5842 du 30/1/1999)

Loi n°99.02 du 29 janvier 1999 portant Révision de la Constitution (Journal officiel n°5842 du 30/1/1999)

EXPOSE DES MOTIFS

REPUBLIQUE DU SENEGAL

UN PEUPLE – UN BUT – UNE FOI

Loi n°99.02 du 29 janvier 1999 portant Révision de la Constitution

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L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté en sa séance du mercredi 13 janvier 1999 à la majorité des trois cinquièmes de ses membres
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article premier : A l’article 5 de la Constitution, insérer entre la Cour de Cassation et les cours et Tribunaux,  » la Cour des comptes « .

Article 2 : Au 7e alinéa de l’article 57 de la Constitution, remplacer  » le Conseil d’État  » par  » la Cour des comptes « .

Article 3 : A l’article 80 de la Constitution, insérer entre la Cour de Cassation et les Cours et Tribunaux,  » la Cour des comptes « .

Article 4 : Au premier alinéa de l’article 80 ter de la Constitution, ajouter après Conseil constitutionnel  » et de la Cour des comptes « , et ajouter après Magistrature,  » Les magistrats de la Cour des comptes sont nommés par le Président de la République après avis du Conseil supérieur de la Cour des comptes « .

Après le dernier alinéa de l’article 80 ter de la Constitution, ajouter :  » La compétence, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Cour des comptes ainsi que le statut des magistrats de la Cour des comptes sont fixés par une loi organique « .

Article 5 : Au 2e alinéa de l’article 82 de la Constitution, supprimer  » et de la régularité des comptes des comptables publics  » puis remplacer  » de la Cour de discipline budgétaire  » par  » de la Cour des comptes « . Après le premier alinéa de l’article 82, ajouter :  » La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics. Elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses et s’assure du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’État ou par les autres personnes morales de droit public. Elle assure la vérification des comptes et de la gestion des entreprises publiques et organismes à participation financière publique. Elle déclare et apure les gestions de fait. Elle sanctionne les fautes de gestion commises à l’égard de l’État, des collectivités locales et des organismes soumis à son contrôle « .

Article 6 : Au premier alinéa de l’article 83 de la Constitution, ajouter après Cour de Cassation « et de la Cour des comptes « .

– Au second alinéa du même article, ajouter après Cour de Cassation,  » et de la Cour des comptes « .

Article 7 : A l’article 84 de la Constitution, ajouter après la Cour de Cassation  » et de la Cour des comptes « .

Article 8 : A titre dérogatoire, jusqu’à la Constitution du Conseil supérieur de la Cour des comptes, en application des dispositions de la présente loi constitutionnelle, les nominations de magistrats nécessaires à la mise en place de la Cour des comptes, sont dispensées de l’avis du Conseil supérieur de la Cour des comptes.

La présente loi constitutionnelle sera exécutée comme loi de l’État.

Fait à Dakar, le 29 janvier 1999

Par le Président de la République Abdou DIOUF
Le Premier Ministre
Mamadou Lamine LOUM

Au Sénégal, le Conseil d’État est seul juge de l’excès de pouvoir et de la régularité des comptes des comptables publics, cumulant ainsi les fonctions dévolues en France au Conseil d’État et à la Cour des comptes.

L’évolution récente notée dans le paysage institutionnel du Sénégal et qui se caractérise par un formidable mouvement de décentralisation a pour conséquence une extension des compétences du Conseil d’État aux nouvelles personnes morales de droit public issues de cette décentralisation, et un accroissement réel du volume des affaires attraites devant cette haute juridiction.

Cette situation nouvelle commande une rationalisation de l’organisation judiciaire de notre pays, dont l’objectif est une spécialisation plus poussée des structures et de leurs personnels dans les différentes branches du Droit, afin de leur permettre d’assurer avec plus d’efficacité, de célérité et de pertinence, leur rôle d’organes de contrôle de la régularité, pour une plus grande transparence, de l’action administrative.

C’est ainsi que, pour parachever la réforme judiciaire entreprise en 1992 et qui a vu l’éclatement de l’ex-cour suprême en trois hautes juridictions spécialisées, le Sénégal désormais va se doter d’une Cour des comptes, juridiction spécialisée du droit de la comptabilité publique, autonome et de haut rang, et dont les compétences essentielles seront celles actuellement dévolues à la deuxième section du Conseil d’État.

Cette option fondamentale qui consiste à faire le choix d’une juridiction autonome caractérise également les institutions sœurs francophones qui se sont développées de l’Afrique du Nord à l’Afrique équatoriale où il a été noté que toutes les institutions supérieures de contrôle des finances publiques, sauf celles dépendant encore d’une Cour suprême ont opté pour un statut autonome. Depuis quelques années, on assiste ainsi à un mouvement important de réformes qui tendent dans leur ensemble, à distinguer les juridictions financières du système judiciaire classique.

Le Sénégal entend opter pour une juridiction autonome afin d’avoir une Cour moderne et exemplaire.

Cette autonomie forte est d’ailleurs requise par les instances de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui recommandent également que les juges des comptes soient indépendants et obéissent à des règles très spécifiques.

Ces changements supposent une révision préalable de la Constitution dans ses titres premier et VII, pour y ajouter la Cour des comptes, d’une part parmi les institutions de la République et, d’autre part parmi les organes qui exercent le pouvoir judiciaire dans notre pays.
Les détails des dispositions essentielles du présent projet de loi portant révision de la Constitution, peuvent être décrits ainsi qu’il suit :

– le nouvel article 5 de la Constitution ajoute la Cour des comptes parmi les institutions de la République, au même titre que le Conseil d’État et la Cour de Cassation, ceci pour mieux marquer son caractère et son rang de haute juridiction ;

– le nouvel article 57 de la Constitution se borne à remplacer « le Conseil d’État » par « la Cour des comptes », dans les attributions d’assistance au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances dévolues à celui-là ;

– le nouvel article 80 de la Constitution consacre la Cour des comptes en tant qu’organe exerçant le pouvoir judiciaire, à côté du Conseil Constitutionnel, du Conseil d’État et de la Cour de Cassation ;

– la véritable innovation est introduite par le nouvel article 80 de la Constitution qui consacre la création d’un Conseil supérieur de la Cour des comptes qui est l’équivalent du Conseil Supérieur de la Magistrature, et d’un corps nouveau de magistrats de la Cour des comptes, distinct de celui des magistrats actuellement régis par la loi organique n°92-27 du 30 mai 1992 portant statut des magistrats. Il précise que « la compétence, l’organisation et le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Cour des comptes ainsi que le statut des magistrats de la Cour des comptes sont fixés par une loi organique » ;

– quant au nouvel article 82, après avoir remplacé « de la Cour de Discipline budgétaire » par « de la Cour des comptes » relativement au pouvoir de Cassation des décisions de celle-ci par le Conseil d’État, il précise de manière plus détaillée les compétences dévolues à la nouvelle Cour des comptes ;

– aux articles 83 et 84 de la Constitution, il sera procédé à des modifications rendues nécessaires par la création de la Cour des comptes ;

– enfin, le présent projet de loi portant révision de la Constitution prévoit que les nominations de magistrats auxquelles il sera procédé lors de la mise en place de la nouvelle Cour des comptes seront dispensées de l’avis du Conseil Supérieur de la Cour des comptes, lequel ne peut être constitué qu’après ces nominations.

Telle est l’économie du présent projet de loi de révision constitutionnelle.